Batie sur une presqu’ile rocheuse, entourée de mimosas et de genets plantés pour fixer les dunes,Essaouira, l’ancienne Mogador, surprend par son isolement. Au voyageur qui vient de Marrakech ou de Safir, elle apparaît soudain en contrebas, tantot blanche et brillante, avec ses façades passées à la chaux tandis que portes et fenetres copient le bleu du ciel et qu’un peu partout des araucarias dressent leurs étranges et sombres silhouettes de chandeliers aux multiples branches, ou bien toute de rose vetue lorsqu’au coucher du soleil le cerne rigoureux de ses murailles se découpe sur l’horizon et s’éclaire de parterres de fleurs.
LA SITUATION 56074 habitants (les Souiri) Cernée de remparts, la cité d’Essaouira est posée en bordure de l’Atlantique, à 175 km à l’Ouest de Marrakech (la route, par Chichaoua, est assez bonne), 125 km au Sud de Safi par la route cotiére, et 174 km au Nord d’Agadir. Toutes ces routes convergent immédiatement au Sud de la ville que l’on atteint en longeant la plage jusqu’aux abords des murailles. Pour poursuivre la découverte du littoral atlantique en visitant : au sud, AGADIR (173 km), au Nord, SAFI (125 km), OUALIDIA et EL JADIDA (267 km). Pour découvrir la capitale du Sud, poursuivez vers MARRAKECH (174 km).
COMPRENDRE La ville a le cachet des très anciens comptoirs ; elle survit à un passé qui eut quelque prestige, et révéle un petit monde provincial et charmant (si l’on occulte les nouveaux quartiers, sans ame, de la ville nouvelle situé à la périphérie). La beauté du site, la qualité de la lumiére, la singuliére douceur du climat, le pittoresque de la ville et du port – qu’accentue l’ambiance insaisissable qui y régne – font d’Essaouira un lieu « fort », présent sans etre oppressant, où tout contribue à ouvrir les sens à la perception poétique et à la reverie De la pourpre au sucre de canne – Dans l’antiquité, un peu à l’arriére de l’enceinte actuelle, une ville au nom de Thamusida fut, ainsi que les ilots voisins, fréquentée de bonne heure par les Phéniciens puis les Carthaginois. A l’époque d’Auguste, Juba II, roi de la Maurétanie Tingitane, y encouragea l’industrie des salaisons et surtout celle de la pourpre qui allait faire la renommée des « iles Purpuraires » jusqu’à la fin de l ‘Empire romain. Au Moyen Age, les avantages naturels de la baie n’échappent pas aux navigateurs portugais qui appellent la ville Mogador (déformation probable du nom local : Mogdoul ) et y prennent pied quelque temps au début du 16é s. La canne à sucre est alors une importante production du Maroc ; Mogador en distille une bonne partie et exporte le sucre. La piraterie, de régle ici comme dans d’autres ports marocains, fournit un appoint appréciable. Une ville marocaine sur un plan français – En 1764, le sultan Mohamed Ben Abdellah décide d’installer à Mogador une nouvelle ville pour développer le commerce international. Il signe de nombreux traités de paix et multiplie les échanges avec les nations européennes et avec l’Amérique naissante. Il fait construire un port accessible en toute saison et confie à l’ingénieur français Théodore Cornut le soin d’établir le plan de la cité nouvelle. D’où l’originalité de cette cité baptisée Essaouira (la bien dessinée) : des remparts à la Vauban, des rues rectilignes et d’une largeur inaccoutumée, voilà qui n’était pas chose courante dans une ville musulmane, seule cité de l’ancien Maroc à bénéficier d’un plan d’urbanisme. Rythmes et couleurs d’Essaouira – Cette ville où la mer et le reve sont infinis, et où le ciel prend des aspects singuliers lorsque les vents parfois violents qui s’affrontent laissent place à de larges banniéres de nuages, est un lieu où régne une créativité intense. Nombreux sont en effet les artistes autodidactes (peintres, sculpteurs, musiciens, dramaturages) qui y sont nés ou sont venus s’y installer, sensibles à son atmosphére particuliére. Parmi les peintres dont certains ont été exposés plusieurs fois à l’étranger (au Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers ou encore, en 1999, à Paris lors des manifestations du « Temps du Maroc »), on peut citer : Abdelkader Bentajar, dont la palette illustre les ciels d’Essaouira envahis de nuages impressionnants peuplés de personnages fantasmatiques ; Mohamed Sanoussi, professeur d’arts platsiques dont les œuvres peintes sur toile de jute ou cuir utilisent des couleurs végétales et des coquillages broyés et s’inspirent de motifs berbéres ; dans ses derniéres toiles faisant appel à la technique du collage, le dessin presque abstrait débouche sur la caligraphie, parfois insérés sous verre comme une fenetre s’ouvrant vers l’écrit ; Mohamed Tabal, le peintre gnaoui, déjà célébre pour sa peinture d’inspiration africaine aux couleurs fortes ; le minutieux Brahim Mountir qui dessine, avec des milliers de petits points tracés à l’aide d’une encre qu’il fabrique à base de plantes macérées et de minéraux, des compositions inspirées de la silhouette des arganiers ; Ali Maimoune ; Abdelmalek Berhiss qui, avec un dessin très simple s’attache à créer un bestiaire fantastique caractérisé par ses tons pastel ; Abdellah Elatrach, avec ses couleurs violentes, chargée de symboles et de formes imbriquées les unes dans les autres qui débordent de la surface de la toile pour investir le cadre qui la prolonge et la cerne de formes chémiriques apparaissant en relief ; Rachid Amarhouch, à la fois pecheur et peintre, avec des toiles d’une composition extremement complexe où abondent des personnages dont la silhouette stylisée se charge d’une multitude de symboles et qui a conservé de ses débuts de calligraphe, l’habitude de parsemer ses œuvres très colorées de lettres arabes ou européennes, messages cachés d’amour pour sa ville. On peut citer également Fatima Ettalbi, très inspirée par l’art du tatouage, Said Ouarzaz et les fréres Youssef et Hamou Ait Tazarin, représentants d’une nouvelle vague d’artistes, qui peinent des animaux étranges dans une technique pointilliste évoquant assez des mosaiques. Parmi les derniéres venus, Mustapha Asmah (né en 1962), ferrailleur de son état qui, « guidé par l’intuition » et et sans aucun contact avec ses confréres, peint dans un état second, et Azzeddine Sanana, pecheur né en 1965 qui représente des formes animales assez énigmatiques d’où émerge une multitude de petits yeux. Ces artistes souiri, tout à fait originaux, d’un dynamisme et d’une spontanéité étonnants, ont découvert dans la peinture de leurs ainés un monde familier, proche des traditions de l’artisanat local, qui a stimulé leur activité. En dehors de cette « nouvelle vague », d’autres peintres talentueux font partie de l’univers artistique souiri : Tayeb Saddiki, connu surtout comme dramaturage et metteur en scéne de théatre, mais qui est aussi peintre et calligraphe ; Abderrahim Harrabida, calligraphe et auteur de tableaux-sculptures incorporant de miniscules mosaiques (zelliges) traditionnelles. Parmi les sculpteurs qui travaillent aussi bien la pierre que la racine de thuya (mais pour cette derniére, il faudrait parler de tous les tailleurs de bois qui travaillent le long des remparts et dont on peut admirer toutes sortes d’objets sculptés), on peut citer Mohamed Bouada, dont les sculptures de grés aux formes ovales et aux courbes douces comme celle d’un corps sont une invitation à la caresse du regard ; ou bien Abdessamad Sedram, aux œuvres aux formes indécises donnant libre cours à l’imagination. Tous les deux ont fait l’objet d’expositions outre-Atlantique. Essaouira est aussi une ville qui a eu le privilége de conserver des taditions musicales issues de l’Afrique noire qui lui conférent une sorte de spiritualité, et que restituent aujourd’hui les groupes de musiciens et danseurs gnaoua.
SE PROMENER
• LE PORT ET LA VILLE
- PORT Son trafic est peu important et il n’est d’ailleurs accessible qu’aux navires de faible tonnage. C’est surtout la peche qui lui donne couleur et vie. Dans la lumiére blanche du matin, alors que le vent mugit sur la plage déserte et que les goélands et les cormorans, omniprésents sur les quais, percent le silence de leurs ricarnements obsédants, il faut voir le port s’animer peu à peu : le nettoyage à grande eau des tables blanches qui serviront plus tard à la dégistation du poisson, grillé à peine débarqué ; la réparation des filets rouges ; l’agitation qui se crée à l’arrivée des bateaux et lors de leur déchargement, lorsque les pecheurs jonglent avec les paniers remplis de poissons, et que sardines, saurelles, maquereaux, anchois se retrouvent à la criée, alors que quelques femmes voilées attendent sur les quais munies d’un seau, que les marins pecheurs leur donnent quelques poissons C’est le moment où, il faut pénétrer dans la halle aux poissons où les pecheurs apportent les prises du jour : raies, murénes, pageots, roussettes, calamrs y cotoient des requins, certains de taille impressionnate. Les cageots arrivent et repartent dans un grand brouhaha affairé, suivant un rituel passablement mystérieux.. Plus loin, au petit chantier naval, reposent les élégantes carcasses de bois des bateaux en construction à différents stades de leur évolution.
- PORTE DE LA MARINE Elle fait communiquer la ville et le port. Une inscription la date de 1769 et indique le nom du rénégat anglais qui la construisit. Du coté de la mer elle est surmontée d’un fronton reposant sur deux colonnes cannelées et encadrées de deux échauguettes. Elle est reliée à la skala (plate-forme d’artillerie) du port par un pont, aux piles trapues et au parapet crénelé, qui enjambe les petits bassins où sont ancrées de nombreuses barques de toutes les couleurs.
- SKALA DU PORT Munie de créneaux et d’échauguettes, elle défendait le port : on y voit encore les vieux canons armoriés. La tour d’angle qui la domine offre un séduisant panorama sur la ville, le port, la baie et les iles. Oson Welles tourna ici certaines scénes de son film Othello, film qu’il présenta au Festival de Cannes en 1952, et pour lequel il reçu la Palme d’or. Quarante ans plus tard, la ville d’Essaouira – qui compte depuis une place Orson-Welles – Célébra avec faste l’anniversaire de cette consécration en organisant diverses skala au cours de laquelle chants, musiques et lumiéres enveloppérent les remparts d’un halo de magie. En quittant la skala du port, gagner la place Moulay-el-Hassan, vaste rectangle réservé aux piétons, qu’animent nombre de terrasses de café et de petits restaurants et tourner à gauche dans la rue de la skala. L’étroite rue de la Skala longe les remparts à l’intérieur de la ville, après un passage sous voute la rue s’élargit : des ébénistes y tiennent boutique et certains y exécutent encore leurs patients travaux de marqueterie : tables, coffrets, bracelets, bibelots de bois qui font la renomée des artisans d’Essaouira. Le bois employé est généralement l’arar ou thuya de Barbarie dont il existe de grands peuplements dans la région. Les racines de cet arbres sont particuliérement appréciées en ébénisterie : ce sont les « loupes d’arar » qui donnent, une fois polies, des surfaces chatoyantes d’un très bel effet. La décoration des meubles est obtenue au moyen de sculptures et d’uncrustations de citronnier, d’ébéne, de nacre et d’argent.
- SKALA DE LA VILLE Au bout de la rue, un passage sous voute donne accés à une rampe conduisant à la skala de la ville. Les fortifications protégeaient ici la cité contre les attaques par mer. Elles constituent une longue terrasse bordée de créneaux dans lesquels sont encore braqués des canons de bronze : meme s’ils sont aujourd’hui inoffensifs, la perspective de cette skala demeure impressionnate. C’est de la terrasse du bastion Nord que l’on a la meilleure vue sur l’ouvrage fortifié relayé au loin par la skala du port, l’enfilade des ilots rocheux empanachés d’écumes, la cote du cap Sim dans le fond.
• LA LILA DES GNAOUA La cérémonie gnaoua est un rite de possession à fonction essentiellement thérapeuthique, les Gnaoua étant réputés aussi bien pour leur talent de musiciens, que pour celui des guérisseurs. On y invoque les grands saints de l’islam populaire, comme Abdelkader Jilali et Moulay Brahim, comme des etres surnaturels, les djinns, susceptibles de posséder les etres humains. Le rituel gnaoua, qui peut durer quelques heures ou toute une nuit – on le désigne alors par le terme lila (la nuit en arabe dialectal) -, comporte trois grandes phases successives : l’aada, les koyou et les mlouk. L’aada est une procession à travers la ville, qui va du lieu de la confrérie (à Essaouira la zaouia Sidna Bilal, du nom du premier muezzin de l’islam) jusqu’au lieu du rituel, généralement la maison invitante (ces rites et coutumes authentiques qui se transmettent de pére en fils ont toujours lieu dans une maison). Les kouyou constituent une phase récréative et musicale assez longue, assurée par le guembri et les crotales, et dont la fonction est de préparer par un spectacle de chants, de jeux et de danses la partie principale des transes. A la fin des kouyou, après une longue pause, on apporte sur un plateau appelé Tbiga des encens dont le halo de fumée qu’ils créent en brulant constituent le décor ambiant, et des foulards de sept couleurs différentes. Les mlouk, ces etres surnaturels ou esprits possesseurs qui sont invoqués et que l’on invite à se manifester lors de la transe, ont en effet chacun leur devise musicale, leur encens et leur couleur. Pour guérir, il faut se laisser totalement porter par la musique. Commencent alors les transes et les danses de possession dont le rythme ira s’accentuant jusqu’au paroxysme. Ceryains peintres se sont inspirés dans leurs œuvres de la transe en tentant d’en donner une expression plastique, tel Mohamed Tabal, peintre gnaoui, qu’on a surnommé le « peintre de la transe », car ses toiles ont souvnt pour théme les lila et comme couleurs celles des Gnaoua. Il existe d’autres formes de rituels comme la hadra, réservée aux femmes, et la ksara, soirée moins longue et plus intime que la lila, et que l’habitant d’une maison peut organiser chez lui.
- RUE LAALOUJ Relativement large rectiligne comme tous les axes principaux de la cité, cette rue, bordée aujourd’hui de restaurants, témoigne de l’urbanisme si particulier d’Essaouira.
- MUSEE SIDI MOHAMED BEN ABDELLAH Fermé pour travaux de rénovation. A droite dans la rue, le musée occupe l’ancienne mairie. Consacré aux costumes et traditions artisanales ou artistiques de la région d’Essaouira, il rassemble des collections recueillies avec passion par son créateur, l’artiste Boujemaa Lkhdar, qui a tenu à les présenter de façon didactique. Au rez-de-chaussée, divers instruments de musique utilisés lors des fetes des confréries religieuses (Gnaoua, Hamadcha, Aissaoua, etc.) ou des mariages ou des circoncisions. A l’étage sont présentés des poteries, des tapis tissés par les femmes des tribus arabophones Chiadma, des meubles marquetés, des bijoux-amulettes aux décors d’oiseaux, de serpents ou de crapauds, tous chargés de fonctions magiques.
- SOUKS Beaucoup d’animations dans cette rue où les petits commerces ont envahi les nobles maisons blanches aux volets bleus, et ne sont que monticules multicolores de fruits, de légumes, d’épices, derriére lesquels les marchands disparaissent à moitié, prenant des allures d’hommes-troncs. Les ruelles transversales, de loin en loin voutées, montrent de beaux portails en pierre de taille finement sculptée aux arcs en plein cintre ornés de zelliges, et connaissent elles aussi une grande animation en fin d’après-midi. Partout, les femmes souiri – silhouettes drapées portant toutes le haik – ajoutent à l’impression d’étrangeté. On aboutit à l’ancien mellah. A hauteur de Bab Doukkala et avant de tourner à droite dans l’avenue Zerktouni, on s’arretera volontiers sur la place por écouter, si l’occasion se présente, les musiciens. Ici comme ailleurs il fait bon partager l’attente des spectateurs, voir les guérisseurs et les conteurs d’histoires, et ressentir leur passion de la musique. Prolongée au-delà du marché par l’avenue de l’Istiqlal, l’avenue Mohamed Zerktouni, principale voie commerçante d’Essaouira, coupe en deux la vieille ville. Elle traverse le souk Jdid, où se trouvent, derriére les arcades, le très pittoresque marché des épices et celui des poissons. Dans la petite rue Syaghine qui borde le marché à gauche après la mosquée sont groupés les bijoutiers.
LA BAIE D’ESSAOUIRA - PLAGE Une vaste gréve borde la cote du Nord de la ville mais, battue par les vents, elle n’est agréable que par très beau temps. La vraie plage d’Essaouira s’étend au fond de la baie, au contact immédiat de la ville. Sa pente douce et unie la rend tés sure, en dépit du vent. Les vents alizés apportent ici pendant tout l’été une fraicheur surprenante.
- ILE DE MOGADOR Les visites sont actuellement interdites sauf dérogation à caractére scientifique, d’où délivrance d’un laissez-passer. Prix à débattre avec l’un des barcassiers du port. Durée de la traversée : 15mn environ. C’est désormais une réserve ornithologique, célébre pour la présence de faucons Eléonore. Connus des Romains sous le nom d’iles Purpuraires, l’ile de Mogador et l’ilot voisin ont été visités durant toute l’antiquité par les marchands méditerranéens : Grecs, Chypriotes, Phéniciens, Carthaginois et surtout Romains y ont laissé des traces révélées par les fouilles archéologiques. Occupée et fortifiée au temps de Mohamed Ben Abdellah, l’il de Mogador qui est aujourd’hui déserte, ne laisse voir que quelques ruines, offre une vue étendue sur la cote, la ville et la baie d’Essaouira.
ALENTOURS - MARABOUT DE MOULAY BOUZERTKOUN A 20 km au Nord d’Essaouira par la route de Safi, prendre à gauche la direction de Moulay Bouzerktoun. Au bout d’une piste caillouteuse, la marabout et la mosquée attenante, éclatants de blancheur, sont posés sur une gréve escarpée, à coté d’un humble village de pecheurs. Ce lieu de haute spiritualité est une des étapes traditionnelles du fameux moussem des Regraga. Dans ce lieu où l’on pratique volontiers le camping sauvage, la plage, battue par le vent fort appréciée des véliplanchistes est à déconseiller formellement aux adeptes des bains de mer en famille |